La santé est un droit fondamental reconnu universellement, pourtant en Afrique, de nombreuses lacunes dans les systèmes de santé rendent l’accès aux soins spécialisés difficile, voire impossible. Face à des infrastructures médicales insuffisantes, des pénuries de personnel qualifié et un équipement obsolète, l’évacuation sanitaire – transport de patients vers des établissements médicaux mieux équipés, souvent à l’étranger – est devenue une solution courante. Toutefois, cette pratique soulève d’importants enjeux économiques, sociaux et politiques. Quel est l’état actuel de l’évacuation sanitaire en Afrique et quelles perspectives peut-on envisager pour améliorer la situation ?
État des lieux de l’évacuation sanitaire en Afrique
L’évacuation sanitaire, longtemps considérée comme un recours exceptionnel, est devenue une pratique régulière dans de nombreux pays africains. Chaque année, des milliers de patients sont transférés vers l’Europe, l’Asie ou l’Amérique pour recevoir des traitements indisponibles localement.
Facteurs principaux :
- Déficit en infrastructures hospitalières spécialisées : De nombreux pays africains manquent d’unités de soins intensifs modernes, de centres de cancérologie, ou d’équipements de chirurgie avancée.
- Manque de personnel qualifié : L’exode des compétences médicales (« brain drain ») aggrave la situation ; les spécialistes formés préfèrent exercer à l’étranger où les conditions sont meilleures.
- Inégalité d’accès : L’évacuation sanitaire est généralement réservée aux élites économiques et politiques, creusant les inégalités de soins entre riches et pauvres.
Conséquences :
- Coût exorbitant : Les États africains consacrent parfois plusieurs millions de dollars par an aux évacuations sanitaires, au détriment du renforcement des infrastructures locales.
- Perte de confiance dans les systèmes de santé nationaux : La pratique renforce l’idée que les soins locaux sont de qualité inférieure.
- Impact psychologique et social : Le déracinement et l’éloignement familial pendant les traitements fragilisent davantage les patients.
Perspectives d’évolution
Face à l’ampleur du problème, plusieurs initiatives émergent pour inverser la tendance :
1. Renforcement des capacités locales
Des investissements massifs dans les hôpitaux, la formation du personnel médical et l’acquisition d’équipements modernes sont nécessaires. Certains pays comme le Rwanda, le Maroc ou le Ghana montrent l’exemple avec la construction de centres de santé de haut niveau, capables d’attirer non seulement leurs ressortissants, mais aussi des patients étrangers.
2. Promotion du partenariat public-privé
L’implication du secteur privé dans la santé permet d’introduire innovation, flexibilité et nouvelles ressources financières, tout en diminuant la pression sur les finances publiques.
3. Développement du tourisme médical intra-africain
Plutôt que d’évacuer les patients hors du continent, encourager le transfert vers d’autres pays africains mieux équipés est une piste viable, plus économique et culturellement adaptée.
4. Digitalisation et télémédecine
La télémédecine permet aujourd’hui de consulter des spécialistes à distance. Si elle est bien développée, elle pourrait éviter un grand nombre d’évacuation en offrant un suivi et un diagnostic rapides sans déplacement.
5. Politique de souveraineté sanitaire
Certains pays commencent à intégrer dans leurs plans nationaux des stratégies de souveraineté sanitaire, misant sur la formation continue du personnel, la production locale de médicaments et l’amélioration du plateau technique.
La problématique de l’évacuation sanitaire en Afrique est symptomatique d’un système de santé en quête de renforcement et d’autonomie. Plutôt que de continuer à exporter leurs malades, les pays africains doivent aujourd’hui investir dans leurs ressources internes, promouvoir les échanges régionaux et utiliser les nouvelles technologies pour bâtir des systèmes de santé résilients et accessibles à tous. L’évacuation sanitaire doit redevenir une exception, et non la norme.